Articles

Bouger pour combattre l’anxiété et la dépression

En Belgique comme en France, on consomme énormément d’anti-dépresseurs et d’anxiolytiques. Ces médicaments sont importants pour lutter contre les formes sévères de dépression ou d’anxiété. Cependant, dans la majorité des cas, ceux-ci sont prescrits par un médecin généraliste (et pas par un psychiatre) et, parfois à la légère. On a en effet tendance à médicaliser très vite les états émotionnels liés aux événements de la vie (ex: deuil, perte d’emploi) et à vouloir soulager immédiatement les difficultés psychologiques.

Or, pour les formes moins sévères de dépression et d’anxiété, une psychothérapie est plutôt recommandée, Il est en effet important d’ explorer les causes de mal-être, d’exprimer et partager le vécu émotionnel afin de pouvoir envisager plus clairement des solutions à long terme, des changements dans son mode de vie… Les émotions, y compris celles dites « négatives », ont une fonction informative: elles véhiculent un message, nous indiquent si nos besoins sont satisfaits. Un grand nombre de pathologies psychologiques trouvent leur origine dans la non-réalisation de ses besoins (ex: besoin de reconnaissance, d’affection, de liberté, de sécurité, d’accomplissement…). Un travail sur ces besoins fondamentaux et nos valeurs personnelles est donc un élément central dans la résolution des conflits intérieurs et extérieurs.

A ce travail thérapeutique, devraient s’ajouter une activité physique régulière, une stratégie importante dans la régulation des émotions. De plus en plus d’études montrent, en effet, que l’exercice physique peut représenter un traitement efficace contre la dépression légère à modérée, et contre l’anxiété. Allier un travail thérapeutique et un programme d’activité physique serait particulièrement bénéfique. 

Les effets de l’exercice physique sur notre humeur

On sait déjà que l’activité physique nous protège contre de nombreuses maladies (diabètes, maladies cardiaques, cancer du colon, hypertension…). Bouger régulièrement améliore aussi la qualité de notre sommeil, notre physique et notre vie sexuelle. Mais ses effets positifs ne se limitent pas à notre bien-être physique et à notre poids.

Voici quelques effets immédiats du sport sur notre mental :

  1. Augmentation la sensation de bien-être : le sport entraîne la libération d’une série d’hormones et de neurotransmetteurs, comme les endorphines, la dopamine et la sérotonine. Cela favorise après-coup une sensation de bien-être, d’apaisement que les sportifs connaissent bien. Certains en sont même accro. Plus on bouge, plus on a envie de bouger davantage, car le cerveau en redemande. C’est un cercle vertueux.
  2. Déconnexion : lorsqu’on est concentré sur une activité physique, le cortex préfrontal (siège notamment des ruminations…) connaît une baisse d’activité. Les ressources du cerveau sont recrutées pour la perception, la planification et l’exécution des mouvements du corps. Cela permet de se « vider l’esprit » des soucis, de mettre en pause les ruminations mentales que connaissent les personnes déprimées ou anxieuses.
  3. Réduction de l’hormone du stress : le stress chronique (que vivent les personnes anxieuses) s’accompagne d’une montée de cortisol, ce qui s’avère délétère à long terme pour le cerveau. Or, l’activité physique permet justement de réduire le niveau de cortisol et pourrait même « réparer » les dégâts provoqués par l’excès de cortisol sur certaines régions cérébrales.
  4. Augmentation de l’estime de soi et du sentiment de compétence : l’estime de soi et le sentiment de compétence sont généralement défaillants en période de mal-être. L’activité physique permet de rehausser ces sentiments. Lorsqu’on se dépasse, qu’on fait l’effort de surmonter sa tendance à l’inertie et qu’on atteint un petit objectif, on se sent généralement content de soi après-coup (pour autant qu’on ne se soit pas fixé des objectifs irréalistes). 

A plus long terme, une activité physique régulière entraîne aussi d’importants bénéfices sur le cerveau et les fonctions cognitives, notamment sur l’attention, la mémoire à long terme et les fonctions exécutives.

Alors, pour préserver ou rétablir notre équilibre mental… Bougeons ! Quelles que soient les activités physiques choisies (marche, jardinage, jogging, vélo, fitness, tennis, basket, boxe, yoga, natation…), l’essentiel est qu’elles soient régulières et qu’elles nous plaisent.

L’accompagnement d’un coach sportif personnel n’est pas un luxe pour démarrer si votre « coach intérieur » est défaillant ou trouvez-vous un partenaire qui vous motive.

Enfin, si vous avez décidez de vous y mettre, terminons par deux conseils pour éviter que cette bonne résolution soient abandonnée au bout de quelques semaines:

  • Commencez par un objectif réaliste, à votre portée : Beaucoup de résolutions tombent à l’eau parce qu’on a visé trop haut dès le départ, sans procéder par étapes (ex: courir un marathon alors qu’on ne court pas régulièrement, perdre 20kg en 3 mois). Commencez donc par un objectif que vous pourrez atteindre rapidement et qui nécessitera simplement de vous mettre en mouvement. Par exemple, pour quelqu’un de sédentaire, « marcher 10 minutes quotidiennement » est un objectif réalisable, qui ne demande pas d’effort particulier en soi, outre celui de s’y mettre. Une fois l’habitude de marcher (ou de courir) bien ancrée dans le quotidien, il sera plus facile d’en augmenter la durée ou l’intensité par la suite. Ainsi, la semaine suivante, l’objectif peut être de marcher 15 minutes. Notez sur un papier votre objectif et vos actions ou investissez dans une montre qui enregistre automatiquement votre activité physique.
  • Planifier vos séances et ne vous laissez pas le choix. C’est généralement le démarrage qui est le plus compliqué, surtout quand on n’a pas le moral. Mais une fois votre séance planifiée, même si l’envie n’y est pas, forcez-vous à y aller malgré tout et au bout de 5- 10 minutes, voyez si c’est si pénible que ça. Beaucoup de coureurs réguliers, à certains moments, ne sont pas motivés à aller courir (surtout quand il pleut, quand ils ont mal dormi ou qu’ils sont fatigués… ). Mais ils ne se laissent pas le choix et y vont quand même. Ces fois où « on n’avait pas envie mais qu’on y est allé quand même » sont souvent les plus efficaces sur le plan psychologique, parce qu’elles constituent une victoire sur la part de soi qui nous freine dans la réalisation de nos objectifs.

En conclusion, l’activité physique, à elle seule, ne suffit bien sûr pas à traiter toutes les dépressions et les états anxieux. Mais, alliée à un soutien thérapeutique ou à un travail personnel, elle constitue une stratégie très efficace, peu couteuse et accessible à tous, pour préserver ou rétablir son bien-être psychologique.

« Si tu n’arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore ». (Jean Giono)

Catherine Demoulin

Le haut potentiel d’un point de vue scientifique

Le « HP » est à la mode. Beaucoup d’informations, parfois non fondées, circulent dans les média. Mais qu’en disent les données issues des recherches scientifiques ?

Qu’est-ce que le haut potentiel intellectuel ?

Sur base des recherches actuelles, on peut dire qu’une personne à haut potentiel intellectuel (HP) se caractérise par des aptitudes très élevées (c’est-à-dire qui se distinguent significativement de la norme) dans un ou plusieurs domaine(s) intellectuel(s).

Concrètement, quand le contexte est favorable, le HP  intellectuel s’observe par une rapidité et une facilité d’apprentissage dans les domaines concernés. Autrement dit, les personnes avec HP apprennent plus rapidement et plus aisément que la plupart de leurs pairs, dans leur(s) domaine(s) de prédilection. Elles mettent aussi plus facilement en lien les nouveaux acquis avec leurs connaissances antérieures.

Cependant, des facteurs (environnementaux, psychologiques,…) peuvent parfois influencer négativement l’actualisation des aptitudes intellectuelles et les hautes capacités ne sont alors pas développées ou exploitées (Brasseur & Cuche, 2017). Certaines personnes peuvent aussi connaître des difficultés vraisemblablement liées à leur fonctionnement intellectuel « hors norme ».

Mieux comprendre leur fonctionnement cognitif au moyen d’entretiens psychologiques et de tests psychométriques peut donc avoir un grand intérêt pour ces personnes. Mais comment évalue-t-on objectivement un haut potentiel intellectuel ?

L’évaluation des capacités intellectuelles

L’intelligence est un concept extrêmement complexe qui n’est certainement pas unidimentionnel. Elle est donc difficilement mesurable. Les tests psychométriques ne mesurent pas avec précision l’intelligence mais bien utilisés par un psychologue compétent, ils apportent des informations précieuses sur le fonctionnement cognitif d’une personne à un moment donné, dans certains domaines cognitifs et pour certains types de contenus. Ces informations s’ajoutent à celles récoltées lors des entretiens et aux observations durant l’évaluation. Le but d’un bilan intellectuel n’est donc certainement pas d’étiquetter une personne, de l’enfermer dans une catégorie particulière mais bien de l’aider à évoluer en connaissant un peu mieux comment il « fonctionne », ainsi que ses forces et faiblesses.

Les échelles d’intelligence de Wechsler(actuellement, WISC-V pour les enfants, WAIS-IV pour les adultes) sont les tests les plus utilisés pour estimer le fonctionnement intellectuel. Concrètement, elles sont composées de plusieurs épreuves évaluant spécifiquement différents domaines. Ainsi, dans la WISC-V, le cinq domaines sont : la compréhension verbale, le raisonnement non-verbal, le traitement visuo-spatial, la vitesse de traitementet la mémoire de travail.

Une fois les épreuves réalisées, les résultats du sujet sont comparés à ceux d’un large groupe de personnes du même âge. Plus précisément, pour chaque subtest, la note brute obtenue est ramenée à une note standard(NS), ce qui permet une lecture des performances de la personne au regard d’une distribution normale centrée réduite(courbe de Gauss). Ce procédé rend les notes comparables entre elles, du point de vue de leur distance avec la moyenne obtenue par la population de référence. Pour chaque épreuvre, la moyenne des NS est de 10 et l’écart type de 3 points. Ensuite, pour chaque domaine, une note composite appelée « Indice » est calculée (dans le WISC-V, il y a donc 5 Indices). Ces Indices permettent de situer les performances de la personne par rapport à une moyenne (de 100) dans un domaine particulier. Une note de 100 représente la performance moyenne des personnes de l’échantillon et l’écart-type est de 15. Environ 50 % des personnes de la population d’échantillonnage ont une note composite se situant entre 90 et 110 et environ 68%, une note composite entre 85 et 115.

Si les Indices de la personne testée s’avèrent relativement homogènes (càd s’ils ne diffèrent pas significativement les uns des autres d’un point de vue statistique), le QI peut être considéré comme une estimation valide de l’aptitude intellectuelle globale au moment de l’évaluation. Par contre, si le profil est très hétérogène, le QI n’a pas beaucoup d’utilité et n’est généralement pas considéré par le psychologue (voir section suivante, pour le cas des profils hétérogènes).

Quand parler de Haut potentiel ?

Pour parler de HP, on s’accorde généralement pour dire que le QI doit s’écarter significativement de la norme (à plus de 2 écart-types). Le seuil de 130 est donc généralement celui à partir duquel on parle de haut potentiel (il correspond à environ 2,2 % de personnes), mais le seuil de 125 est parfois choisi.

Cependant, il faut toujours avoir en tête que ces seuils restent arbitraires et que l’intelligence est une variable continue (non catégorielle). De plus, toute mesure comporte un risque d’erreur. Pour toutes ces raisons, il est judicieux de tenir compte de l’intervalle de confiance (dans lequel le score réel a 95% de chance de se trouver) et bien sûr, des facteurs qui ont pu influencer les performances.

Ainsi, une personne peut sous-performeraux tests pour diverses raisons: stress, manque de motivation, environnement défavorisé, fatigue, lenteur, dépression, trouble de l’attention, du langage ou des fonctions visuo-spatiales ou encore du fait qu’elle n’a pas été testée dans sa langue maternelle. Autant de facteurs qui peuvent entraver les capacités réelles. Une personne peut aussi sur-performersi elle a déjà passé les mêmes épreuves recemment ou si elle s’y est entraînée. Enfin, il peut aussi avoir une légère variabilité selon le psychologue qui fait passer le bilan.

Etant donné que divers facteurs peuvent donc entâcher les scores, les résultats quantitatifs d’un bilan intellectuel doivent toujours être accompagnés des observations, analyses et commentaires d’un psychologue (évaluation qualitative).

Haut potentiel ou zone(s) de haute potentialité ?

Mais quid d’un profil intellectuel hétérogène ? Comment qualifier le profil d’une personne qui a réalisé des performances exceptionnelles dans un domaine particulier alors que ses performances dans les autres domaines sont moyennes et que le QI est en-dessous du seuil du HP ?

Il est en fait assez fréquent de rencontrer des profils hétérogènes dans le HP. Comme souligné plus haut, quand les différences entres certains indices sont statistiquement significatives, le QI a peu de sens et il est beaucoup plus intéressant de considérer chacun des indices.

Brasseur, Cuche et Goldschmidt (2007) ont proposé, dans ces cas, de parler de zone de haute potentialité. Ainsi, voyons le cas d’un enfant au profil intellectuel très hétérogène :

Arthur, 8 ans

Voici ses résultats obtenus avec le WISC-IV (entre parenthèses, figure l’intervalle de confiance):

  • Indice de compréhension verbale = 132 (120-137)
  • Indice de raisonnement perceptif = 133 (119-137)
  • Indice de mémoire de travail = 103 (94-112)
  • Indice de vitesse de traitement = 86 (78-98)
  • QI total = 122 (114-127)

Si on conclut qu’Arthur n’a pas de haut potentiel (parce que son QI est de 122), on occulte complètement ses aptitudes très élevées dans les domaines verbal et non-verbal. Mais si on conclut simplement qu’Arthur est haut potentiel, cela occulte ses capacités moyennes en mémoire de travail et en vitesse de traitement.

Selon la psychologue Isabelle Goldschmidt, il est dans ce cas intéressant de parler de:

  • Zones de haute potentialité dans le domaine verbal et en raisonnement perceptif;
  • Faiblesses relatives en mémoire de travail et en vitesse de traitement. Faiblesses relatives dans le sens où ses capacités restent dans la norme (et donc ne sont pas déficitaires per se) mais sont beaucoup plus faibles par rapport à ses autres capacités, et donc peuvent consitituer une faiblesse dans son profil.

Ce cas n’a rien d’exceptionnel. Il est très fréquent, dans les profils à HP, que les indices de mémoire de travail et de vitesse de traitement soient plus faibles que les autres indices (pour en savoir plus sur les raisons qui peuvent expliquer cela, voir l’article récent de Labouret et Grégoire, 2018).

Quid des autres types d’intelligences ?

Il est clair que les échelles d’intelligence validées et utilisées dans la pratique (WISC et WAIS) ne ciblent que certains domaines intellectuels. En l’occurrence, ceux qui sont fortement impliqués à l’école: l’intelligence logico-mathématique, visuo-spatiale et  linguistique. La mémoire de travail est aussi évaluée parce que cette capacité cognitive est fortement impliquée, notamment, dans le raisonnement (pour aller plus loin, voir ici).

Or, de toute évidence, il existe des personnes qui démontrent des aptitudes exceptionnelles dans d’autres domaines, comme la musique, la mécanique, le sport ou encore les relations interpersonnelles. Ce qui laisse penser qu’il existerait d’autres formes d’intelligences que celles classiquement testées.

Howard Gardner a beaucoup écrit à ce sujet (cfr. les intelligences multiples de Gardner) et a proposé des questionnaires supposés évaluer différents types d’ « intelligences » via des questions sur les compétences et les goûts d’une personne dans différents domaines. Cependant, ces questionnaires ne sont pas validés scientifiquement et restent très subjectifs (pour une critique intéressante, voir Larivé et Sénéchal, 2012). Ils peuvent être intéressants pour réfléchir à ses talents, à ses compétences, ou pour renforcer l’estime de soi d’un enfant mais ils ne sont en rien comparables aux échelles de Wechsler.

Y a-t-il des caractéristiques spécifiques au haut potentiel ?

On entend souvent dire que le HP se caractérise par une hypersensibilité, une façon de  penser qui serait qualitativement distincte de celle des non-HP, de l’anxiété, un perfectionnisme, etc.

Cependant, contrairement à ce qu’on peut lire sur de nombreux sites grand public, les recherches n’ont pas mis en évidence de manière catégorique des caractéristiques spécifiques au haut potentiel, hormis bien sûr… les hautes capacités intellectuelles (Brasseur et Cuche, 2017).

Il existe bien des caractéristiques positivement corrélées au QI, comme l’ouverture d’esprit (qui se marque par une grande curiosité intellectuelle, une flexibilité d’esprit, une ouverture aux idées nouvelles, une tolérance à la diversité…) et la créativité, mais en aucun cas, ces traits, à eux seuls, ne permettent de détecter le potentiel intellectuel. Ces qualités sont (heureusement) présentes chez bon nombre de personnes ayant des capacités moins exceptionnelles (pour plus d’infos basées sur la recherche, voir l’excellent ouvrage de Nicolas Gauvrit ici).

Certains professionnels affirment aussi sur base de leur expérience clinique que le HP se caractérise par des caractéristiques comme l’ hypersensibilité, sentiment d’injustice exacerbé, anxiété, perfectionnisme, humour décalé… parce qu’ils sont confrontés à beaucoup de patients présentant ces caractéristiques. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les personnes avec un HP présentent ces caractéritiques ! Si on se penche sur les recherches qui ont porté sur de grands groupes d’enfants (recrutés aléatoirement dans des écoles et pas dans des cabinets psy ou des associations de HP), il n’y a, à ce jour,pas de preuves scientifiques démontrant que le HP s’accompagne plus fréquemment de ces caractéristiques. Sur le plan clinique, toutes ces caractéristiques sont évidemment importantes à prendre en compte pour mieux comprendre la personne, mais elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme des critères pour qualifier une personne de « HP », comme on peut le lire parfois. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un enfant est malin, hypersensible, sensible à la justice, perfectionniste, mal adapté à l’école etc. qu’il estHP.

Dans le pire des cas, l’étiquette HP est posée sur un enfant sur la base unique de critères qualitatifs, sans identification sérieuse et parfois au détriment d’autres troubles (anxiété,  TDAH, dyspraxie…) et l’enfant ne reçoit pas le soutien adapté. C’est malheureusement ce qui est pratiqué par certaines personnes (voir un exemple frappant dans le reportage, vers la onzième minute, de la RTBF ici).

Par ailleurs, même si on ne prend que les critères intellectuels, on ne peut pas dire qu’il existe un « fonctionnement HP » type (ex: raisonnement global plutôt que séquentiel etc.). En effet, il peut y avoir de multiples profils intellectuels. Affirmer que les « HP » sont comme ciou comme cela, n’a aucun sens puisqu’il ne s’agit pas d’une maladie ou d’un trouble du développement comme l’autisme, par exemple.

Source de difficultés?

Il existe actuellement une tendance à pathologiser le HP dans les médias, les livres grand public ou même dans les écoles. Or, les recherches scientifiques bien conçues ne mettent pas en évidence davantage de troubles (comme l’anxiété ou la dépression) chez les personnes avec HP (voir Gauvrit, 2017).

Comme souligné plus haut, c’est le contexte dans lequel s’inscrivent les hautes capacités intellectuelles qu’il est essentiel de prendre en compte pour comprendre les difficultés d’une personne. De manière générale, le bien-être d’une personne dépend fortement de l’environnement dans lequel elle évolue, des opportunités qu’elle a de se réaliser et de ses autres caractéristiques personnelles (ex: habiletés sociales, gestion des émotions, personnalité, capacités attentionnelles, motivation, persévérence…). Quand une personne vit des difficultés, les causes peuvent être en lien avec ses hautes capacités intellectuelles… mais pas forcément.

Des capacités qui s’écartent fortement de la norme peuvent mener à un décalage avec les autres et à des difficultés d’adaptation scolaire ou professionnelle. Ainsi, un enfant extrêmement doué dans un ou plusieurs domaines scolaires peut s’ennuyer en classe et perdre sa motivation s’il ne reçoit pas de défis intellectuels adaptés à ses aptitudes.

A l’adolescence, certains, malgré leurs grandes facilités pour apprendre, se retrouvent en échec. Une des raisons peut être liée au fait que ces jeunes ont appris sans jamais devoir travailler (notamment à l’école primaire) et n’ont donc pas encore développé de stratégies particulières pour apprendre. Ils peuvent aussi avoir intégré la fausse croyance selon laquelle on peut réussir sans travailler quand on est intelligent. Or, de façon intéressante, des études ont montré que les jeunes à haut potentiel qui ont cette croyance ont tendance à être plus souvent en échec (voir Brasseur & Cuche, 2017). En effet, à partir d’un certain stade de la scolarité, l’intelligence seule ne suffit pas pour réussir. Il faut aussi avoir développé d’autres compétences comme la persévérance, l’autocontrôle, la planification, l’organisation, la gestion des émotions et de la motivation…

Pour conclure, rappelons encore une fois que tous ces exemples de difficultés ne sont pas spécifiques aux personnes à haut potentiel et peuvent se rencontrer chez bon nombre de jeunes. Rappelons également que le HP n’a rien d’une pathologie et que de nombreuses personnes ayant manifestement de hautes capacités intellectuelles se portent bien.

Catherine Demoulin

Pour aller plus loin :

Posted in HP